Révélation d'un don par un examen de situation fiscale

 

CA Douai 14 juin 2010 n° 09-3093, ch. 1 sect. 1
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La présentation par le contribuable de ses relevés bancaires à l'occasion d'un examen de situation fiscale personnelle régulièrement mené par l'administration peut constituer une révélation de don manuel au sens de l'article 757 du CGI.

Au cours de l’examen de situation fiscale personnelle dont il fait l’objet, un contribuable communique ses relevés bancaires au vérificateur. Ces relevés font apparaître qu’il a encaissé un chèque de 259 000 € d’une société civile dont le gérant est le père de son gendre, ainsi qu’un virement de 45 000 € émanant de ce même gérant.

Au vu des explications fournies, le vérificateur conclut que le contribuable a bénéficié de dons manuels et lui notifie un redressement de droits de donation.

La cour d’appel confirme la position de l’administration  , ce qui est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation

 (Extraits)

Attendu que les actes de mutation à titre gratuit sont soumis à un droit d’enregistrement fixé par l’article 777 du CGI ;

Attendu que l’article 757 de ce code dispose que les actes renfermant soit la déclaration par le donataire ou ses représentants, soit la reconnaissance judiciaire d’un don manuel, sont sujets au droit de donation ; qu’aux termes du deuxième alinéa de cet article la même règle s’applique lorsque le donataire révèle un don manuel à l’administration fiscale ;

Attendu que lors de la vérification dont il a fait l’objet, Monsieur T. a présenté ses relevés de compte bancaire à l’administration fiscale qui a constaté que sur son compte n° 04611201558 ouvert à la Caisse d’Epargne apparaissaient au crédit à la date du 20 août 2003 un versement par chèque bancaire pour un montant de 259 163,33 euros et un virement interne de 45 736,67 euros ;

qu’il est mentionné dans le compte rendu de visite du 13 janvier 2005 établi à la date du 17 janvier 2005 par l’inspecteur des impôts que Monsieur T. a déclaré qu’il s’agissait pour le chèque de 259 163,33 euros d’un chèque provenant de la SCI Centre Europe suite à la vente des murs appartenant à cette SCI, elle même détenue par Monsieur et Madame G.. Monsieur T. a ajouté que Monsieur G. étant souvent absent car voyageant beaucoup à l’étranger et n’ayant pas besoin de cet argent, lui avait donné cette somme afin que lui même et son gendre (fils de Monsieur G.) puissent en disposer à leur guise en cas de nécessité. A cette même date le virement interne de 45 736,67 euros provient de la vente des murs appartenant cette fois à la SCI Le Synthois. Les deux sommes ont servi à ouvrir un compte à terme d’une valeur de 304 900 euros auprès de cette même Caisse d’Epargne. Par suite, les crédits apparaissant les 21 octobre 2003 et 24 décembre 2003 pour des montants identiques de 304 900 euros sont des remboursements de la Caisse d’Epargne de ce compte à terme régulièrement renouvelé (tous les deux mois).

Attendu que Monsieur T. a été à nouveau reçu par les services fiscaux le 29 mars 2005 puis le 28 juin 2005 ; qu’à cette date il lui a été remis un compte rendu de la visite du 28 juin 2005 reprenant quant aux montants de 259 163,33 euros et 45 736,67 euros crédités sur son compte, les explications qu’il avait précédemment données le 13 janvier 2005 ; qu’il a apposé sa signature sur ce compte rendu sur lequel il était indiqué qu’il pouvait apporter des modifications ou des précisions sur les points développés ;

Attendu que par lettre adressée le 26 juillet 2005 à la Direction Générale des Impôts Monsieur T. écrit :

Quant au chèque de 259 163,33 euros émis par la SCI du Centre Europe, propriété de Monsieur G., il a été déposé à la Caisse d’Epargne sur un compte commun à Monsieur G. fils et moi même.

En effet, Monsieur G. Yahia est souvent en déplacement et son état de santé s’étant affaibli (hospitalisation au service de cardiologie du Centre Hospitalier de DUNKERQUE à la fin du mois de mai 2003 et le 25 mai 2005) celui ci a mis la somme sur un compte commun entre son fils et moi même afin que nous puissions effectuer des règlements pour le compte de la SCI du Centre Europe ou de la SARL Le Synthois dans l’hypothèse où il serait absent ou en indisponibilité.

Je vous prie de trouver, ci après, l’utilisation faite par cette somme, sur ordre de Monsieur G. Yahia.

Suit une énumération de neuf chèques datés du 21 août 2003 pour le plus ancien au 10 juin 2005 pour le plus récent.

que dans ce courrier Monsieur T. a ensuite écrit que s’y ajoute une somme de 30 490 euros qui lui revient s’agissant du remboursement d’un prêt accordé à Monsieur Yahia G. et précisait que vu la tournure donnée par l administration fiscale au chèque de 259 163,32 euros un dernier chèque de 77 871,26 euros a été déposé sur le compte de Monsieur Yahia G. ;

Attendu que la notion de révélation qui signifie faire connaître, rendre public, ne nécessité pas un acte positif du contribuable  ; que le Tribunal a rappelé à bon droit que l’article 757 du CGI n’exige pas l’aveu spontané du don par le donataire ;

que la présentation par Monsieur T. de ses relevés bancaires à l’occasion de la vérification régulièrement menée par l’administration fiscale et ses explications sur l’origine des fonds, constituent une révélation au sens de l’article 757 ;

que Monsieur T. ne conteste pas avoir tenu les propos que l’inspecteur des impôts a consignés dans le compte rendu qui lui a été remis  ; qu’il y a certes ultérieurement apporté un correctif afin de tenter d’établir que le transfert de fonds a eu une contre partie mais que ces explications, qui seront examinées afin de rechercher s’il y a eu intention libérale, restent sans effet sur la révélation à l’administration qui est intervenue lors des premières visites de Monsieur T. dans les locaux des services fiscaux ;

Attendu que l’article 894 du code civil définit la donation entre vifs comme l’acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte ;

que Monsieur T. conteste tant l’intention libérale que le caractère irrévocable du versement ;

. sur l’intention libérale Attendu que l’intention libérale réside dans l’absence de contrepartie au versement effectué ;

que Monsieur T. soutient que la somme litigieuse a été utilisée au seul bénéfice de Monsieur Yahia G. et qu’il n’existe donc pas d’intention libérale ;

Attendu que les sommes, objets du litige, ont été versées le 20 août 2003 sur un compte à la Caisse d’Epargne au nom de Monsieur ou Madame T., par Monsieur Yahia G. sans affectation spéciale ; que Monsieur T. n’a aucun droit dans la SCI Centre Europe, ni dans la SCI Le Synthois ;

Que le 21 août 2003 les époux T. ont certes donné procuration sur ce compte à Monsieur Bachir G., fils de Monsieur Yahia G. ; que cependant à cette même date Monsieur T. a ouvert un compte à terme à son seul nom (sur lequel Monsieur Bachir G. n’avait pas procuration) où il a placé la somme de 304 900 euros représentant l’intégralité des fonds reçus de Monsieur Yahia G. (259 163,33 € + 45 736,67 €) ; qu’il en résulte que Monsieur T. conservait la libre disposition de ces fonds sur lesquels ni Monsieur G. père, ni Monsieur G. fils n’exerçait de contrôle ; que ce compte à terme a fait l’objet d’un remboursement le 21 octobre 2003 et d’une nouvelle ouverture à compte à terme pour la même somme le 31 octobre 2003 avec remboursement au 24 décembre 2003 ;

que le 26 décembre 2003, Monsieur T. a établi un chèque de 76 224,51 euros au profit de la SARL Le Synthois dont il est le gérant ; que cet apport financier a vocation à lui être remboursé par la SARL et démontre qu’il a utilisé les sommes litigieuses à des fins personnelles ;

Attendu que dans son courrier du 26 juillet 2005 Monsieur T. fait également état d’une somme de 30 490 euros qui correspondait à un remboursement de prêt accordé à Monsieur Yahia G. à la suite de la vente de sa propriété au Maroc à une date non précisée ; que l’administration fiscale avait répondu dans son courrier du 25 octobre 2005 que l’attestation non enregistrée n’a aucune valeur probante ; que Monsieur T. n’a soumis à la Cour aucun document permettant de vérifier la réalité de ce prêt ;

Attendu que le Tribunal a retenu à bon droit que les versements de 259 163,33 euros et 45 736,67 euros effectués par Monsieur Yahia G. à Monsieur T. (beau père de son fils) n’avaient aucune contrepartie et révélaient donc une intention libérale ;

. sur le caractère irrévocable des versements Attendu que Monsieur T. apporte la preuve d’un seul transfert de fonds au profit de Monsieur G., la somme de 77 871,26 euros qu’il lui a versée le 21 juillet 2005 ;

que ce mouvement bancaire ne peut infirmer la position de l’administration sur l’existence d’un don manuel en août 2003 ; que ces opérations sont éloignées de deux ans et le virement a été effectué alors que la procédure fiscale était engagée depuis plusieurs mois ; que dans sa lettre du 26 juillet 2005 à la Direction Générale des Impôts Monsieur T. a d’ailleurs expressément reconnu que le versement de 77 871,26 euros à Monsieur G. avait été effectué en raison de la proportion et la tournure données par l’administration fiscale au chèque de 259 163,33 euros ;

que dans ces conditions le virement de 77 871,26 euros intervenu le 21 juillet 2005 n’est pas de nature à remettre en cause l’irrévocabilité du dessaisissement de Monsieur G..

Attendu que le don manuel étant établi, le redressement opéré par l’administration fiscale était justifié ;

Attendu que le fait générateur de la taxation étant constitué par la révélation du don manuel à l’administration fiscale le redressement aurait donc dû être opéré au titre de l’année 2005 et non de l’année 2003 ; que le moyen soulevé à ce titre par Monsieur T. est fondé mais n’a toutefois pas d’incidence sur le montant des droits dus ; que seuls les intérêts de retard sont modifiés ; qu’il n’est dû que la somme de 2 332.47 euros à ce titre (155 498 € x 0.75 % x 2 mois) ;

qu’en cours de procédure d’appel, le 14 octobre 2009, l’administration fiscale a prononcé un dégrèvement à hauteur de 24 491 euros ; qu’il lui en sera donné acte ; que le jugement sera confirmé pour le surplus 

 

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