O FOUQUET " les pénalités fiscales à taux fixe: faut-il remonter jusqu’à la CEDH?" (18/08/2009)

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REDIFFUSION

 

Le président O.FOUQUET et la revue administrative  nous autorisent à publier un article de doctrine sur la modulation des sanctions.

 

FLASH Grand Arrêt : De la modulation des sanctions fiscales !

 

 

Les tribunes du Président O FOUQUET

 

Lire la proposition 36 du Rapport Fouquet

 

Note de P MICHAUD: En dehors de ce sympathique et nécessaire débat démocratique , la pratique de la modulation des sanctions , si elle est entérinée par les jurisprudences  françaises et européennes ,va poser de fantastiques difficultés d'organisation  administrative,  difficultés qui vont du nécessaire respect de l'égalité devant la sanction à l'organisation matérielle de l'instruction et du "prononcé personnalisé"des sanctions.

Si il est souhaitable de "personnaliser" la sanction - au sens de la jurisprudence de la CEDH, il est aussi nécessaire d'éviter de "noyer " nos tribunaux sous ce nouveau contentieux  de masse .

 

Notre législateur devra donc trouver le moyen de "personnaliser" ce nouveau contentieux de masse

 

 

 

" les pénalités fiscales à taux fixe: faut-il remonter jusqu’à la CEDH?"

 

 

DE LA MODULATION DES SANCTIONS

FISCALES ETADMINISTRATIVES

 

pour imprimer l'article de Mr O FOUQUETcliquer  

Par

Olivier Fouquet

Président de Section  au Conseil d’Etat

 

Conseil d’Etat 16 février 2009 n°274000, Sté Atom

 

Les conclusions de Mme Claire Legras,
rapporteur public
 

 

BULLETIN OFFICIEL DES IMPOTS 13 K-7-09 du 18 juin 2009   

La décision du Conseil d’Etat du 16 février 2009 n°274000, Sté Atom (aux conclusions de Claire Legras : BDCF 5/09 n°59), rendue dans la formation la plus élevée du Contentieux, celle de l’Assemblée, qui a fait basculer le régime du contentieux des sanctions administratives de l’excès de pouvoir au plein contentieux, conduit une nouvelle fois à s’interroger sur  la faculté que pourrait avoir le juge de moduler les sanctions infligées par l’administration, qu’elles soient administratives ou fiscales.

 1) Le code général des impôts (CGI) fourmille de pénalités, dont le montant est fixé en valeur relative (pourcentage) ou absolue, qui ont été assez profondément refondues en 2005. A la suite de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui d’une part a appliqué l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme (conv. EDH) aux pénalités fiscales, assimilées à des  « accusations en matière pénale », et d’autre part jugé que ce type de sanctions devait être jugé par un organe judiciaire de pleine juridiction (CEDH 10 février 1993 n°7229/75et 7496/76, Albert et Le Compte c/Belgique) qui devait disposer « du pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision entreprise rendue par l’organe inférieur (CEDH 23 octobre 1995,Schmautzer et a. c/ Autriche), la question a été posée de savoir si le juge, saisi d’un litige de plein contentieux portant sur des pénalités fiscales, pouvait moduler le montant de la pénalité infligée initialement par l’administration. La Cour de cassation, sans doute plus sensibilisée à la technique pénale, a répondu positivement (Cass. com. 29 avril 1997 n°1068 PB, Ferreira), tandis que le Conseil d’Etat adoptait la  réponse inverse (Avis CE du 5 avril 1996 n°17611, Sect.,Houdmond : RJF 5/96 n°607). Le Conseil d’Etat n’a pas souhaité s’emparer d’un pouvoir de modulation que le législateur français ne lui avait pas conféré, alors que la jurisprudence de la CEDH ne lui semblait pas l’exiger.  

 

2) Ceci étant, compte tenu des incertitudes de la jurisprudence de la CEDH, le Conseil d’Etat s’est montré prudent dans l’expression de son refus de conférer au juge le pouvoir de moduler les sanctions  infligées par l’administration fiscale. Il est parti de l’idée que dès lors que le législateur avait lui-même modulé le montant de la pénalité en fonction de la gravité de l’infraction, le juge, en contrôlant en plein contentieux, au titre da la qualification des faits, l’adéquation du montant la sanction infligée à la nature des faits reprochés, tels qu’ils avaient été caractérisés par le législateur, exerçait pleinement son contrôle sur une « accusation en matière pénale ».Il a fait une première application de cette ligne de conduite dans son Avis CE 8 juillet 1998 n°195664, Fatell (RJF 8-9/98 n°970) par lequel, s’agissant des pénalités pour absence de bonne foi de 40%(aujourd’hui pénalités de mauvaise foi), il a replacé ces pénalités dans un ensemble comprenant notamment les pénalités pour manœuvres frauduleuses de 80% d’où il résultait que ces pénalités constituaient l’une des marches d’un escalier en comportant plusieurs. Le juge contrôlait ainsi, dans le respect du dispositif institué par le législateur français, l’adéquation de la pénalité aux faits reprochés. L’arrêt de la CEDH admettant la conventionalité du mécanisme du permis à points, qui a d’ailleurs  constitué une divine surprise, (CEDH 23 septembre 1998 n°68/1997/852/1059, Malige c/ France : RJF 11/98 n°1384) a conforté le Conseil d’Etat dans son analyse dont il a fait une nouvelle application  aux pénalités pour défaut ou retard de déclaration de 10%, 40% et 80% (CE 8 mars 2002 n°224304, SARL Clinique de Mazargues : RJF 6/02 n°671).

 

Mais cette analyse du Conseil d’Etat risquait de devenir plus hasardeuse dans l’hypothèse des pénalités à taux unique. La Haute juridiction a d’abord poussé son raisonnement jusqu’aux limites du possible. Par sa décision CE 30 novembre 2007 n°292705, Sté Sideme (RJF 2/08 n°172, chron. J. Burguburu p. 83), le Conseil d’Etat a replacé la pénalité de 5% pour défaut d’auto-liquidation de la TVA intracommunautaire dont on aurait pu penser qu’il s’agissait d’une pénalité à taux unique, dans le contexte de l’ensemble des pénalités applicables pour défaut de déclaration d’opérations passibles de la TVA, alors même que le défaut d’auto-liquidation ne cause aucun préjudice au Trésor à la différence des autres omissions prises comme termes de comparaison. Par sa décision CE 26 mai 2008 n°288853, Sté Norelec (RJF 8-9/08 n°981), le Conseil d’Etat a replacé la pénalité de l’ancien article 1740 ter du CGI, sanctionnant le travestissement ou la dissimulation de l’identité d’un fournisseur ou d’un client, dans le contexte des pénalités variées réprimant des comportements différents en matière de facturation dont il n’est pas évident qu’ils avaient un dénominateur commun.

 

Mais les meilleurs choses ont une fin. Le Conseil d’Etat n’a pu prolonger son analyse dans le cas de la pénalité à taux unique de 25% sanctionnant le non versement de la taxe sur les métaux précieux, taxe unique sans comparables. Par sa décision du 27 juin 2008 n°301343, Sté Segame (RJF 11/08 n°1213), la Haute juridiction, pour démontrer la conventionalité à l’article 6 de la convention EDH de cette pénalité à taux unique s’est bornée à relever que le montant  de la pénalité était proportionnel  à l’infraction et que le juge de l’impôt disposait d’un pouvoir de pleine juridiction. Faut-il en déduire que la solution serait différente dans le cas de la pénalité unique dont le montant serait fixe en valeur absolue ? C’est peu probable dans la mesure où le critère essentiel de la conventionalité d’une sanction au regard des dispositions de l’article 6 de la convention EDH  est désormais clairement celui de l’exercice par le juge d’un pouvoir de contrôle de pleine juridiction sur la sanction.

 

3) La décision d’Assemblée CE16 février 2009 n°274000, Sté Atom, citée au début, le confirme. Le Conseil d’Etat fait basculer le régime contentieux des sanctions administratives de l’excès de pouvoir au plein contentieux. Pourquoi ? S’agissant de l’amende pour règlement indû de sommes en numéraire, la Haute juridiction a été confronté au principe de l’application immédiate de la loi pénale plus douce. L’amende égale à 5% des sommes indûment payées avait été remplacée en 2005 par une amende dont le montant maximum peut atteindre 5% de ces sommes. Il n’y avait aucune raison de ne pas appliquer la rétroactivité in mitius à cette pénalité. Mais la technique de l’excès de pouvoir s’avérait inappropriée à cette application rétroactive. D’une part le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité de la décision attaquée à la date où elle a été prise et non à celle où il statue, d’autre part ce juge n’est pas en mesure d’apprécier quel doit être le montant d’une amende dont le taux peut varier entre 0 et 5%. On voit donc que l’exercice d’un contrôle de pleine juridiction constitue pour la personne sanctionnée un progrès appréciable.

 

Le critère de l’existence d’un contrôle de pleine juridiction suffira-t-il à assurer à l’avenir la conventionalité dans son ensemble du régime français des sanctions administratives et fiscales ?

L’extrême prudence initiale du Conseil d’Etat dont il a dû en définitive se départir, était sans doute justifiée par le caractère imprévisible de la jurisprudence de la CEDH qui statue comme un juge de paix. Aucun signal venant  de cette Cour ne permet aujourd’hui de présumer que la jurisprudence actuelle du Conseil d’Etat serait aventurée. Mais sait-on jamais ?

 

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