O FOUQUET sur AXA et GOLDFARB (28/09/2009)

CONSEIL ETAT.jpgLES REFLEXIONS D’ O FOUQUET 
SUR LES ARRETS AXA ET GOLDFARB

 

LES TRIBUNES D’OLIVIER FOUQUET

 

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Le CE a-t-il modifié son approche de l’abus de droit ?

 

Le conseil a choisi la route de  l’esprit et non celle du scribe.

 

 

 

 

Monsieur le président O Fouquet ,je vous remercie d’avoir accepté, en toute amitié, de répondre aux questions que se posent les 15.000 lecteurs de ce blog  sur les interprétations pratiques à retenir sur les deux arrêts AXA et GOLDFARB du 7 septembre 2009  concernant la répression des abus de droit fiscal  et de  la fraude à la loi

 

Nos lecteurs  sont aussi informés que vous avez écrit une tribune  de doctrine  sur ce sujet dans la prestigieuse REVUE DE DROIT FISCAL (n°39 du 24 septembre 2009)

 

Je rappelle  la situation de fait concernant AXA, la situation de la société GOLDFARB étant similaire

 

Axa venant au droit de la SA Banque d’Orsay a réalisé durant les années 1992 et 1993 respectivement 18 et 32 opérations d’emprunts et 15 et 117 achats à réméré de titres de sociétés qu’elle n’a détenus que pendant de brèves périodes au cours desquelles intervenait le paiement des dividendes.

ces opérations d’emprunt et d’achats à réméré ont emporté transfert de la propriété des titres à la banque qui est devenue ainsi attributaire des dividendes et de l’avoir fiscal qui y était attaché lors du détachement du coupon ;

ainsi, dans le cadre d’une opération d’achat à réméré de titres d’une société, la banque d’Orsay, après avoir acquis les titres juste avant le paiement du dividende, encaissait celui-ci puis les revendait à bref délai pour un prix calculé en retranchant du prix d’achat, majoré d’une indemnité d’immobilisation, d’une part, une somme strictement équivalente au dividende perçu et, d’autre part, une pénalité d’avoir fiscal correspondant à un pourcentage de l’avoir fiscal attaché aux dividendes distribués ; Une telle opération dégageait une perte ;

 

Compte tenu de cette situation, le vérificateur  a dans un premier temps considéré qu’ ‘il y avait abus de droit  au sens de l’article L 64 du LPF , puis en cours de procédure l’administration  a demandé le maintien des impositions contestées sur le fondement de la fraude à la loi qu’elle a demandé de substituer à celui de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales initialement retenu ;

 

Sur l’application de l’abus de droit,

 

 Dans les deux affaires  le conseil a d’abord jugé que les dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, applicable à l'époque ,ne pouvait remettre en cause les opérations d’achat et de revente des titres effectuées  autour du détachement du coupon et permettant l’imputation des avoirs fiscaux sur l’impôt sur les sociétés dont elle était redevable.

 

Sur l’application de la fraude à la loi

 

Le Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel a  aussi  examiner cet autre moyen.

La question posée est tout simplement de définit ce qui est "la recherche du bénéfice d'une application littérale des textes  à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs ".

  

Cette formulation est celle qui a été votée par le législateur de décembre 2008 pour le nouvel article L64 LPF   sera d’une interprétation aussi délicate que la taille d’un diamant  ce qui lui permettra aussi toute souplesse….

 

La première tribune de ce blog créé le 17 avril 2007 avait analysé l'arrêt de la cour d'appel de Paris favorable à  AXA et j'avais écrit qu’

 

'"Une pratique étrangère aux objectifs fixés par le législateur mais pas forcément contraire n’est pas une fraude à la loi, l'objectif du législateur ayant été de supprimer la double imposition économique "

 

Nous sommes bien dans la recherche de la volonté subconsciente du législateur et non dans une analyse simplement grammaticale du texte

 

En fait, la difficulté vient   de l’analyse de l’adjectif  « littéral » : l’analyse littérale signifie telle l’analyse de l’esprit de la Loi   ou de la grammaire de la loi. ?

 

Le conseil a choisi la route de  l’esprit …et non celle du scribe.

 

Question de P.Michaud . Les décisions du CE Sté Axa et Sté Henri Goldfarb sont pour un trés grand nombre de  praticiens une surprise, sinon une révolution. Le CE a-t-il modifié son approche de l’abus de droit ?

 Réponse de O.Fouquet . Nous pourrions dire de façon sans doute trop provocante qu’il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Tout ce que les praticiens relèvent de nouveau dans les deux décisions du CE, était déjà écrit dans la jurisprudence  de la CJCE et du CE.

A la suite de l’arrêt Halifax de la CJCE du 21/02/2006, nous avions souligné dans une chronique à la RJF en 2006 combien les jurisprudences de la cour européenne et du CE convergeaient.

 

En m’appuyant sur une décision du CE min. c/ Sté Sagal du 18/05/2005, nous avions expliqué que les deux critères de l’abus de droit de la jurisprudence européenne, figuraient déjà dans la jurisprudence nationale.

La décision du CE Sté Janfin du 27 septembre 2006 est venue écrire noir sur blanc ce que nous avions soutenu.

Nous avons expliqué de façon approfondie le sens de cette jurisprudence dans une étude à Droit fiscal que nous avons rédigé avec  notre jeune collègue Yohan Bénard, rapporteur en 2004 de la commission de réforme de la taxe professionnelle et aujourd’hui directeur adjoint du cabinet de Mme Lagarde chargé notamment de la politique fiscale. Enfin dans le rapport que nous avons remis au ministre du budget en 2008, nous avons proposé une nouvelle rédaction de l’article L 64 du LPF décalquant  Sté Janfin. Cette proposition, soutenue par Yohan Bénard, alors conseiller fiscal du Premier ministre, et Jean-Pierre Lieb qui a été un membre éminent de ma commission en 2008, a été adopté dans le PLFR pour 2008.

 

On ne saurait me contester une persévérance certaine pour améliorer la sécurité juridique en matière  d’abus de droit. Pourtant, cette évolution a été mal perçue, sinon incomprise, car elle a été critiquée par beaucoup qui y ont vu une complication supplémentaire plutôt qu’une clarification.

 

Va-t-on devoir créer une chaîne TV dédiée à la pédagogie fiscale pour les fiscalistes qui ont du vague à l’âme ?

 

PM. Deux critères de l’abus de droit au lieu d’un, où est le progrès ?

 

OF Cher Patrick, nous soupçonnons que vous aussi vous avez douté avant d’être convaincu par la jurisprudence Sté Axa et autres.

 

Le nouveau critère que nous appelons « subjectif » au sens de la jurisprudence de la CJCE,  conduit à rejeter la qualification d’abus de droit lorsque le contribuable, même s’il poursuit un but exclusivement fiscal, a appliqué la loi conformément aux objectifs poursuivis par les auteurs de celle-ci.

 

Dans le cas de l’avoir fiscal, l’objectif du législateur était de neutraliser la double imposition  pour le propriétaire juridique des titres à la date de la distribution. Ni plus ni moins. C’était un objectif à vue courte, quasi mécanique. Nous pensons que l’interprétation de l’objectif poursuivi par les auteurs du texte sera plus difficile dans le cas d’un objectif plus prospectif, en quelque sorte à vue plus longue.

 

PM. Pourquoi le CE utilise-t-il le mot « risque » dans les deux décisions ? Selon lui le contribuable doit courir un risque. Ne s’agit-il pas d’un troisième critère de l’abus de droit ?

 

OF. Nous ne le pensons pas. Nous nous sommes expliqués sur cette question dans un article à Droit fiscal. Le mot risque est lié dans l’esprit du CE à la propriété des titres. Le propriétaire juridique et donc effectif des titres, c’est à dire sans contre-lettre de garantie par le vendeur, court le risque normal de tout propriétaire de titres. L’acquéreur n’est jamais certain que la valeur du titre qu’il a acheté aujourd’hui, ne dégringolera pas le lendemain à la revente. Il peut se passer tant de choses en 24 heures.

 

PM. Cette jurisprudence est-elle applicable à tous les crédits d’impôts ?

 

OF. Le principe des deux critères de l’abus de droit est définitif. Mais cela ne veut pas dire que tout crédit d’impôt poursuit a priori les mêmes objectifs que l’avoir fiscal. Pour les crédits conventionnels, la question se pose en particulier de savoir comment interpréter les objectifs des auteurs de la convention. Le CE risque d’hésiter entre une interprétation littérale de la convention (jurisprudence traditionnelle) et une interprétation par référence aux travaux de l‘OCDE (on en voit des indices dans certaines décisions).

 

Nous ne pouvons qu’inciter les praticiens à la prudence.

 

Pour le CE chaque affaire nouvelle est une île à découvrir et comme Christophe Colomb, il ne donne pas le même nom à chaque île, quoiqu’il les regroupe au sein d’archipels.

 

PM. Vous êtes convaincu de l’avenir de la nouvelle définition de l’abus de droit dont vous êtes à l’origine ?

 

OF. A partir du moment où cette règle est comprise, ses chances de durer augmentent. D’ores et déjà, le comité des abus de droit, présidé par mon ami le remarquable et courageux Président Gilles Bachelier avec lequel nous avons des discussions quotidiennes, applique fermement la nouvelle définition de l’abus de droit. Les avis de ce comité, d’ailleurs recomposé suivant nos propositions, et dont les principaux avis sont publiés en ligne, de façon très intelligente, par le service juridique de l’ancienne DGI, vont préfigurer la future jurisprudence du CE.

 

 

 

Le 26 septembre 2009  libre de diffusion

  

 

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